Les Talismans viennent à moi comme on entre dans une forêt sans chemin tracé, guidée seulement par une sensation, une nécessité de suivre ce qui palpite.
Pas de projet défini, pas de dessein conscient : seulement l’élan de se plonger dans la matière, à l’écoute.
Tout commence avec elle, la matière.
Le tissu me parle le premier. Parfois rêche, parfois effleuré d’une tendresse ancienne, il garde les plis, les marques, les vibrations. Il a sa mémoire, ses cicatrices, sa douceur. Il devient une peau, un partenaire silencieux, une présence.
Je crée avec des matières simples, souvent récupérées, déjà traversées par la vie, des fils oubliés, des fragments de mémoire textile.
Ces matériaux me guident plus que je ne les dirige, ce sont souvent eux qui murmurent.
Alors je me rends disponible.
Je laisse le fil me parler, le tissu me conduire, la composition émerger.
Créer un talisman, c’est écouter ce que la matière retient,
C’est donner forme à ce qui bat sous la surface, à ce qui cherche un abri, un visage,
C’est laisser surgir ce qui n’a pas encore de nom.
Les gestes sont lents, habités.
Ils interrogent, recueillent, dévoilent.
Point après point, souffle après souffle, quelque chose se tisse — un lien, une mémoire, une confidence.
C’est traverser l’entre-monde : marcher entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’ombre et la lumière, entre ce qu’on sait et ce qu’on sent.
Je les appelle talismans parce qu’ils portent.
Ils portent des fragments de silence, de lumière, de mémoire.
Ils sont des passerelles sensibles, des gardiens de seuils, des compagnons intimes.
Ils naissent d’un geste d’écoute — de ce qui bat en moi, mais aussi de ce que murmure la matière.
Ils parlent aux plis de l’âme.
Ils chuchotent à celles et ceux qui savent entendre autrement.
Souvent, ceux qui les croisent me disent qu’ils se sont sentis appelés.
Et je comprends que le lien s’est tissé,
Qu’un fil, quelque part, a trouvé à qui parler.
Je crois qu’ils touchent celles et ceux qui ont, en eux, un lieu semblable au mien,
Un entre-monde,
Un territoire sensible où les silences se gardent et se transforment.
Créer des talismans, c’est ma façon d’habiter cet espace fragile, d’en prendre soin.
C’est une forme de poésie cousue, un acte de présence.
Une manière d’écouter le fil qui relie — et de l’honorer.
